Le présent article propose de résumer le contenu du recours contentieux contre la circulaire dite « OQTF » (Obligation de Quitter le Territoire Français). Cette actualité est étroitement liée à notre activité. En effet, une des mesures évoquées concerne l’accueil d’étrangers sous OQTF en hébergement d’urgence.
Le 17 novembre 2022, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a réalisé une circulaire dite « OQTF ».
Celle-ci s’adressait aux préfectures et à différentes directions générales (police nationale, gendarmerie nationale, étrangers en France). Elle avait pour objet : l’ « exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et [le] renforcement de nos capacités de rétention ». Ainsi, une collaboration entre la FAS, la FAP et un cabinet d’avocats a donné lieu à un recours contentieux contre la circulaire dite « OQTF » en février 2023.
Ce recours contentieux vise l’annulation de cette dernière. Il attaque plus spécifiquement trois points de la circulaire :
1. Le prononcé systématique d’assignation à résidence
« Assigner à résidence systématiquement à résidence les étrangers sous OQTF non placés en rétention à une adresse fiabilisée permettant leur localisation et leur suivi rigoureux par les effectifs de police et de gendarmerie le temps de leur éloignement » (p. 2)
Le recours précise que cela est contraire au Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) car :
- l’article L. 731-1 conditionne l’assignation à résidence à un éloignement qui ne « constituerait pas une perspective raisonnable ».
- l’article L. 731-1 permet, sous condition, une assignation à résidence mais qui est limitée dans le temps à 6 mois renouvelable une fois.
- l’article L. 731-1 précise que l’assignation à résidence relève de la compétence du préfet et non du ministre de l’intérieur.
Le recours attaque donc le caractère « systématique » de l’assignation à résidence de la circulaire. Il attaque aussi le fait que le ministère de l’intérieur, par la circulaire, tend à se substituer au préfet pour l’édiction d’assignations à résidences.
Le recours précise aussi que la circulaire est contraire à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) et à la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) car :
- dans les articles 2 et 4 de la DDHC, les mesures susceptibles d’affecter la liberté personnelle d’aller et venir « doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et proportionnées à cet objectif ».
- l’article 8 de la CEDH précise que toute entrave au droit de toute personne au « respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » doit être « proportionnée ».
Le recours attaque donc l’inscription de privation « systématique » de ces droits. Celle-ci doit être ponctuelle et proportionnelle. La décision doit résulter d’une évaluation au cas par cas, c’est-à-dire en bonne connaissance de la situation personnelle de chaque étranger.
2. L’idée que les personnes sous OQTF bénéficient « indûment » de l’hébergement d’urgence
« À la demande du Président de la République, nous travaillons également à vous donner les outils pour une application effective de la vérification des situations administratives des étrangers pris en charge indûment par l’hébergement d’urgence » (p. 2)
Le recours précise que la question de l’hébergement et du logement ne relève pas des compétences du ministre de l’intérieur d’après le décret n°2022-827 du 1er juin 2022.
Il précise aussi que cette idée est contraire au principe d’inconditionnalité de l’accueil en hébergement du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF) car :
- D’après l’article L345-2-2, « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ».
- Et la convention européenne (CE, 22 décembre 2022, Ministre des solidarités et de la santé) a notamment réaffirmé l’application de ce principe pour « les ressortissants étrangers qui font l’objet d’une OQTF ».
Le recours attaque donc l’utilisation du terme indûment dans la circulaire, au titre de l’inconditionnalité de l’accueil encadrée par le CASF.
3. La transmission par les préfectures aux bailleurs sociaux des identités des locataires visés par une OQTF
« Tirer les conséquences sur les droits sociaux et prestations des étrangers concernés : je vous demande de vous rapprocher localement des organismes de protection sociale votre territoire pour vérifier que la prise d’une OQTF s’accompagne d’une suspension de ces droits. Par ailleurs, certains étrangers en situation irrégulière ont pu entrer dans le parc social alors qu’ils étaient en situation régulière, conduisant à ce que des étrangers sous OQTF continuent d’occuper des logements sociaux : vous organiserez dans les prochains jours une réunion avec les bailleurs sociaux de votre territoire pour objectiver des situations et mettre en place un dispositif permettant de les signaler aux bailleurs. » (p. 2)
Le recours précise que le traitement des données personnelles serait nécessaire pour « vérifier que la prise d’une OQTF s’accompagne d’une suspension de ces droits ». De même pour « mettre en place un dispositif permettant de les [les étrangers sous OQTF] signaler aux bailleurs ». Ceci est non conforme au RGPD.
Il précise aussi que le Code de la Construction et de l’Habitation (CCH) n’induit pas la perte de son logement en raison de sa perte de titre de séjour. Il réserve seulement « aux personnes physiques séjournant régulièrement sur le territoire français » l’attribution d’un logement social.
La décision du juge sera rendue dans plusieurs mois. Avant cela, une discussion contentieuse se fera à l’issue de la formulation de défense du ministère…
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